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La guerre culturelle


"Guerre Culturelle : si la formule circule beaucoup aujourd'hui, même si on lui prête de nombreuses significations, souvent contradictoires. Elle nous aide pourtant à comprendre ce qui s'est passé au cours des dernières décennies, si on veut se délivrer de la téléologie progressiste. Si les thèses sur la " guerre culturelle " ont émergé au cours des années 1990, c'est parce que c'est à ce moment que les transformations associées aux années soixante ont pris l'allure d'un changement d'époque définitif. D'abord, c'est à ce moment dira-t-on, que la génération contestataire des années 1960 et 1970 arriva en position d'autorité dans l'ensemble des sociétés occidentales - elle l'avait déjà atteinte dans le milieu académique et médiatique dès les années 1980. C'est aussi avec les années 1990 que l'héritage idéologico-politique des radical sixties est arrivé à maturité, avec l'émergence de la question de la Diversité, qui est née, comme l'a remarqué Paul Yonnet, d'une <transformation substantielle de la revendication sociale, qui impose une vision raciale, sexuelle, religieuse et par âge des rapports sociaux >. La chute du communisme favorisait un réalignement idéologique autour de nouveaux enjeux, parce que la gauche perdait une fois pour toutes l'espoir d'un autre monde réalisé dans l'univers du communisme réel, qui s'était investi dans l'histoire grâce à la brèche de 1917, mais aussi, parce que la droite perdait d'un coup son ennemi traditionnel, contre lequel elle avait fédéré ses courants et sensibilités au lendemain de la deuxième guerre. La fin du communisme dévoilait des controverses idéologiques et des convulsions sociales qui tardaient à prendre forme politiquement. Maintenant, elles auraient toute la place.

Notre monde, loin d'être sous-idéologisé, est sur-idéologisé, mais nous n'en sommes plus conscients, tellement l'idéologie dominante est si écrasante qu'on ne voit plus qu'elle. La guerre culturelle portait d'abord sur l'interprétation à donner aux concepts de la modernité. Qu'est ce que la démocratie ? Qu'est ce que la liberté politique ? Qu'est ce que l'égalité ? Elle ne porte pas tant sur les valeurs au sens strict que sur la définition de la démocratie. Comme l'a déjà dit dans un autre contexte Daniel Halévy, < Il faut montrer l'instant où les institutions ont été défaites ou se sont défaites, dissoutes >. C'est la question même du régime politique qui est posée par la guerre culturelle. Car derrière l'apparente continuité de l'histoire démocratique occidentale, c'est une guerre idéologique portant sur la définition même de la démocratie qui s'est menée. Les institutions restent à peu près les mêmes et, au premier regard, les démocraties occidentales écrivent leur histoire à l'encre de la continuité. Il n'en demeure pas moins qu'en s'investissant d'une toute nouvelle philosophie, elles ont transformé en profondeur leur vocation. La question du régime à l'immense vertu de ramener au coeur de toute analyse la question du pouvoir et de redonner une emprise aux hommes sur l'histoire. Du coup, elle réhabilite le politique et nous invite à revisiter le dernier demi - siècle pour voir comment ce changement de régime à eu lieu. Et comment ce qui aurait pu ne pas être, ou pourrait bien ne plus être."

Mathieu Bock - Côté : le multiculturalisme comme religion politique


 

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