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La République !

Extraits de « Histoire du citoyen » de l’historien Jean de Viguerie :

« Le Ralliement a des adversaires de qualité. Ceux-ci plaident contre le Ralliement, mais leur plaidoirie est incomplète. Les deux opposants principaux sont Mgr Freppel, évêque d’Angers et député, et le sénateur Keller. Mgr Freppel publie deux articles dans le journal L’Anjou, les 17, 18 et 20 novembre 1890, un peu plus d’un mois après le « toast » d’Alger. Il se montre virulent ; le cardinal Lavigerie n’est pas ménagé. Il dénonce « un régime impie et gouverné par la franc-maçonnerie », et une République « athée » à laquelle il veut substituer une monarchie chrétienne. Mais il oublie de dire que la République en France n’est pas une forme de gouvernement comme les autres, mais une idéologie qui prend le nom d’une forme de gouvernement. Elle n’est pas une république athée, mais l’athéisme même portant le nom de république. La réponse du sénateur Keller au cardinal est marquée du même défaut. Il écrit au cardinal que les « catholiques zélés n’ont pas foi dans la forme républicaine, qu’ils la considèrent comme identifiée avec la haine de l’Église ». Or, la République n’est pas identifiée avec la haine de l’Église. Sa nature même n’est pas celle d’une forme de gouvernement. Sa nature est la haine de l’Église.

Car la République, c’est la Révolution, et la Révolution, c’est avant tout l’antichristianisme. Or, cela aussi semble oublié de tous, aussi bien du pape Léon XIII et du cardinal Lavigerie que de leurs contradicteurs. Personne, dans cette controverse du Ralliement, ne semble savoir que la Révolution de 1789 a voulu effacer le christianisme et que le ralliement des catholiques à la République équivaut à une adhésion à l’antichristianisme. Ni le pape, ni le cardinal Lavigerie, ni même leurs contradicteurs opposés au ralliement ne semblent se douter de la nature véritable de la République. »

« [A propos de l’État français du Maréchal Pétain] Tels sont les faits. Il convient maintenant de définir leur nature et leur portée.

Un grand nombre de commentaires pourrait être fait. Nous nous bornerons aux deux observations suivantes dans la perspective de notre sujet : l’histoire de l’ « être nouveau ». La première observation concerne le sort de la République. « La République est morte » a écrit Georges Suarez, commentant l’événement. « La République, dira Pierre Dominique, avait démissionné. » Les deux opinions sont discutables. La loi du 11 juillet 1940 ne décrète pas la fin de la République. Le projet de cette loi est signé par le président de la République, Albert Lebrun, en même temps que par le maréchal Pétain. « Tous pouvoirs, dit l’article unique de cette loi, sont donnés au gouvernement de la République sous l’autorité […] du maréchal Pétain. » La République ne meurt pas, elle ne démissionne pas ; elle s’efface. Les deux Chambres ne sont pas supprimées ; elle sont ajournées jusqu’à nouvel ordre. On est « en République, dira le Maréchal à l’un de ses intimes, sans y être, tout en y étant ». En fait, en tant que mythe, en tant qu’idéologie, la République n’existe plus.

Notre deuxième observation concerne le remplacement du citoyen de 1789 par un nouveau Français qui n’a plus rien de révolutionnaire. La Troisième République, depuis la démission de Mac Mahon, était d’inspiration révolutionnaire. Elle se référait constamment aux « grands ancêtres » de 1789-1794. Elle n’était pas, nous l’avons déjà dit, une forme de gouvernement comme les autres. Elle était une idéologie. L’État français, c’est encore, si l’on veut, la République, mais une République seulement politique et non plus confondue avec l’idéologie de la Révolution. »

Extrait de « Mensonges et vérité » de l’amiral Paul Auphan :

« Dans le cas de la France d’aujourd’hui, héritière d’un passé qui engage son avenir et dépositaire d’une mission qu’elle ne peut renier sans forfaiture, ces lois doivent, au moins, respecter l’idée de Dieu, sans l’imposer à aucune conscience, mais sans fuir les conséquences politiques et morales que ce respect comporte.

C’est là le principe premier qui surpasse en importance tous les autres, y compris le problème de l’option entre la formule dite monarchique et la formule dite républicaine. La question religieuse domine en effet la question politique. L’essentiel est de maintenir la société dans la ligne la plus capable de permettre à ses membres, présents et futurs, de s’élever, en définitive, vers Dieu. La politique n’est qu’un moyen pour y parvenir. Sur le plan rationnel, on peut discuter de la plus ou moins grande efficacité des formes qu’elle est susceptible de revêtir. Mais, quelle que soit cette forme, républicaine, monarchique ou autre, elle doit être, en premier lieu, constituée dans cet esprit et animée dans ce but. Une république chrétienne administrée par un Salazar est préférable à certaines monarchies laïques ou maçonnisantes dont l’Histoire offre quelques cas.

Les mots ne doivent pas faire illusion. Il n’y a pas de meilleur « républicain », au sens étymologique du terme, qu’un monarque ou un fonctionnaire dont tous les réflexes jouent toujours, par définition, pour le bien commun ou res publica. Cependant, quand on dit aujourd’hui de quelqu’un qu’il est « républicain », on veut exprimer surtout qu’il est pénétré des principes laïcs, révolutionnaires et athées de 1789. Le régime vit de cette équivoque.

Beaucoup de Français, surtout depuis le tournant historique du « ralliement », sont divisés sur cette question du choix entre une monarchie et une république parce qu’ils attribuent à ce choix un but essentiel et premier, alors que c’est d’abord la question religieuse et morale qu’ils devraient se poser. S’ils étaient d’accord sur ce point, ils ne seraient plus séparés que par des divergences ayant valeur relative de nuances. Tout le reste en découlerait aisément. »

Extrait de « Les deux patries » de l’historien Jean de Viguerie :

« Dans les débuts de la Révolution la patrie n’est rien d’autre que la patrie philosophique, celle des droits de l’homme décrétée d’existence. Les révolutionnaires disent à peu près ceci : « Nous avons les droits de l’homme, et ces droits se trouvent maintenant consacrés en loi de l’État; nous avons donc une patrie. » La patrie est toujours associée par eux aux droits de l’homme. Sur les autels de la patrie est toujours gravée la Déclaration des Droits. La patrie est toujours associée à la Loi. Le 14 juillet 1790, jour de la Fédération Générale, sur l’arc de triomphe du Champ-de-Mars, les citoyens pouvaient lire cette devise : « La Patrie ou la Loi peut seule nous sauver. » Ils ne s’en étonnaient pas : d’une certaine manière c’est la Loi qui a fait exister la patrie.

Cette patrie ne se confond pas avec la France. Elle a pour cadre actuellement la France, et les Français en sont très fiers, mais elle s’étendra un jour au genre humain tout entier. »

Cette patrie philosophique qui ne se confond pas avec la France et qui a vocation à s’entendre au monde entier, c’est la République (d’où l’idéal de « République Universelle », prôné notamment par la franc-maçonnerie).

Article de Joël Hautebert à L’Homme Nouveau, qui comprend bien ce qu’est la République et qui en fait une excellente description :

La République comme processus

Depuis la victoire d’Emmanuel Macron à l’élection présidentielle, « En marche ! » est devenu « La République en marche ». D’aucuns penseront que ce modeste changement ne mérite pas que l’on s’y attarde. Il s’agirait d’un toilettage résultant du passage d’un simple projet en vue d’une élection à sa mise en œuvre politique, une fois le suffrage remporté. L’opinion inverse s’impose pourtant, dans la mesure où cette légère modification du nom accentue le marqueur idéologique.

Ce choix par l’équipe présidentielle nous rappelle que la République n’est pas un régime politique mais une idée, transformée en idéologie par l’affirmation d’un processus progressiste dans lequel elle se coule.

La République…

Ce n’est pas nouveau, nous le savons depuis longtemps, la République en France n’est pas à proprement parler un régime politique. Certes, le mot « république », « res publica » (chose publique) a longtemps revêtu deux sens. Au sens large, il a correspondu plus ou moins à la communauté politique, tandis qu’au sens restreint et plus rarement employé, il a désigné effectivement un type de régime politique. Nous savons depuis l’Antiqui­té grecque qu’il existe trois sortes de régimes politiques, le gouvernement du plus grand nombre, celui d’un seul ou d’une minorité. Un régime politique se définit par la forme constitutionnelle que prend la communauté politique, afin de lui offrir stabilité et permanence dans le temps. Personne n’aurait eu l’idée d’évoquer la république romaine ou la monarchie capétienne « en marche ». Quant à l’emploi plus large du mot « république », il s’est limité à la seule démocratie depuis le XVIIIe siècle et plus nettement encore depuis la Révolution. Il y a là une ambiguïté, inhérente au fait que la Révolution a introduit une forme politique démocratique particulière destinée à mettre en œuvre l’émancipation de tout ordre que l’homme n’a pas créé.

Parfaitement dans la lignée de la pensée politique moderne, la République telle que l’entend Emmanuel Macron ne désigne pas un type de constitution, mais une construction intellectuelle, une idée. C’est pourquoi, on lui attribue des valeurs propres, c’est-à-dire un ensemble de principes qui ne s’appuient en aucun cas sur des données extérieures au système, comme l’ordre naturel des choses, mais au contraire, au moins en apparence, sur la volonté des citoyens souverains. Notre personnel politique use et abuse des références aux « valeurs de la République », à la morale républicaine, expressions généralement rattachées au contrat (ou pacte) social (ou républicain). On observe par conséquent un lien étroit entre ce pacte et les principes de la république, suggérant par là que la société fondée sur l’assentiment de tous et non sur la dimension politique naturelle des hommes génère ses propres valeurs. Puisque la dimension naturelle disparaît, l’usage du mot « France » pour désigner la nation et la patrie devient logiquement facultatif. Ainsi, la République assume seule, d’une part, la communauté politique entendue comme créatrice d’un ordre nouveau et, d’autre part, les principes supposés définis, choisis, par cette même communauté unie, non par le sang et la terre, mais par l’exercice de la volonté émancipée du vrai et du juste. Le nom du parti présidentiel n’a donc rien d’innocent, de la part d’un homme dont le livre/programme édité pendant la campagne s’intitule « Révolution ».

Enfin, cette République-idée est « en marche ». Elle est mouvement, plus précisément processus. Bien évidemment, se dire « en marche » ou « en mouvement » ne renvoie pas systématiquement à un contenu idéologique. Toutefois, dans le contexte intellectuel issu de la modernité, l’adjonction de la notion de mouvement à la ­République-idée révèle à coup sûr un projet politique, certes adapté aux temps postmodernes, mais fidèle à des sources intellectuelles anciennes.

Il ne s’agit pas de maintenir un cadre institutionnel fixe, mais de s’inscrire résolument dans un mouvement, de suivre le cours d’un processus, caractéristique du progressisme.

Contre l’ordre divin

De quel processus est-il ici question ? Si l’on considère que la République, entendue au sens d’idée, s’est toujours caractérisée par la négation de l’ordre naturel et divin dont il faut progressivement se défaire, nous devons envisager, selon toute probabilité, que le processus vise la dissolution de la famille et de l’identité, c’est-à-dire la révolution anthropologique. Le programme d’Emmanuel Macron était explicite : « Il n’y a pas un modèle unique qui représenterait la “vraie” famille. Les familles sont de plus en plus diverses : il faut pouvoir les reconnaître et permettre à chacun de vivre sa vie de couple et ses responsabilités parentales. Le quinquennat qui s’achève a permis de progresser dans la reconnaissance de cette diversité. Toutefois, si l’égalité est édictée dans la loi, elle n’est pas entière et l’injustice perdure dans la vie. Trop de personnes ont encore du mal à vivre normalement, parce qu’elles subissent des discriminations du fait de leur homosexualité ». Le jour où le nouveau gouvernement a été formé, Benjamin Griveaux, porte-parole de « La République en marche », a tweeté : « Nous ouvrirons la PMA à toutes les femmes et combattrons l’homophobie du quotidien grâce à des tests aléatoires au travail ». Ce processus n’a pas besoin de justification raisonnée. Il s’appuie très simplement sur la mystique sécularisée du progrès et de l’émancipation.

Cela n’a pas empêché 71 % des catholiques pratiquants dits « réguliers » de voter pour Emmanuel Macron au second tour des élections. Il était pourtant exact de présenter l’élection présidentielle comme un enjeu de civilisation, mais rares furent ceux qui mirent le doigt sur le contenu précis, sur la colonne vertébrale de la continuité entre le précédent quinquennat et le nouveau qui vient de commencer : la poursuite explicite du processus révolutionnaire. Maintenant, il n’est pas dit que ce processus ne subisse pas des ratés, ne s’enraye à cause de grains de sables imprévus. Et comme la politique n’est pas une science mathématique, le facteur humain peut réserver bien des surprises.

La « République française », n’est pas… « française » ! (Article d’Antonin Campana) :

« Dès lors que la République prétend représenter ce qui est commun aux hommes, elle ne peut revendiquer la francité, puisque la francité est spécifique à certains hommes seulement.

Dès lors que la République se veut au-dessus des distinctions d’origine, de religion, d’identité… elle ne peut se dire « française », sauf par abus de langage ou incohérence, puisque la Francité renvoie précisément à une distinction d’origine, de religion, de culture, d’identité, de mémoire…

La République ne peut à la fois se dire « française » et proclamer une universalité qui la mettrait en capacité d’intégrer des hommes venus de toute la terre. Ce qui est « français » ne peut par définition être universel, à moins d’amoindrir la francité et de nier tout ce qui en elle est de l’ordre du spécifique. Dans ce cas, on parlerait à bon droit d’une volonté de déculturation. Mais quel crime se serait alors ! Quelle détermination à détruire ce qui fut construit par un peuple durant des millénaires ! Quelle déconstruction perverse d’une identité à seule fin de ramener les faits à l’idéologie ! Derrière cette volonté de réduire la francité à une sorte de plus petit dénominateur commun à tous les hommes (PPDC), n’y aurait-il pas alors un désir pervers de commettre un ethnocide et une haine inexpiable pour le peuple français ?

Amoindrir la francité : c’est ce que n’hésitent pas à faire les républicains lorsqu’ils ramènent sans complexe les valeurs de la France à celles de 1789.

Pour être à la fois « universelle » (c’est-à-dire compatible avec toutes les cultures, religions, identités, origines…), et « française » (c’est-à-dire propre à une identité particulière), la République impose le mythe d’une identité française qui s’incarnerait pleinement dans les « valeurs universelles » du coup d’Etat républicain (appelé aussi « Révolution »). Cependant, l’échec des politiques d’intégration montre que ces valeurs ne sont pas aussi universelles que la République le prétend avec arrogance. Et l’hostilité manifestée face aux revendications identitaires autochtones montre que la République n’est pas aussi française qu’elle le prétend avec suffisance. En fait, la République n’est ni universelle, ni française : elle se sert de la France pour se donner des allures universelles. L’expression « République française » est un oxymore, mais aussi la signature d’une grave entreprise républicaine de dénaturation de la francité et de déculturation d’un peuple.

Empêtrée dans ses contradictions insurmontables, la République porte atteinte non seulement à l’identité française mais aussi à la France, dont elle est obligée de nier la singularité européenne, la décrivant bêtement comme un mélange, un métissage, un « creuset » mixant des hommes de toutes les origines, autrement dit une nation universelle, pendant de la République universelle. On en arrive à un sous-entendu risible et plein d’une insupportable outrecuidance, qui fait de la francité l’identité suprême de l’Homme et même son horizon indépassable (les frères Kouachi n’étaient pas d’accord).

La République n’est donc pas « française », elle est trop transcendante pour l’être, trop divine. Qu’Elle reste dans les cieux et traite directement avec l’Homme. Qu’Elle délaisse la France, cette pauvre singularité terrestre parmi d’autres singularités terrestres, trop insignifiante pour Elle, trop étroite pour qu’Elle puisse s’y mouvoir à son aise. Petitement, les Français ne prétendent qu’au particulier et au spécifique. Ils ne sont pas dignes d’Elle, ils ne sont pas à sa mesure : que la République ne se rabaisse plus à se dire « française » ! »

Antonin Campana

Du processus d’identification de la République à la France (Articles d’Antonin Campana) :

Partie 1 :

L’incapacité à distinguer la République de la France est constante dans le discours républicain. Pourtant, comme nous l’avons déjà montré, la République ne peut se dire « française » pour au moins deux raisons :

  • La francité représente le singulier et le spécifique, alors que la République prétend être universelle en ses valeurs, ses principes et ses institutions (notons que cette universalité proclamée est seule à même de légitimer les processus d’intégration puis de naturalisation de tous les hommes résidant au milieu du peuple autochtone. L’intégration n’est ici qu’un apprentissage élémentaire des règles de fonctionnement d’un système posé comme universellement acceptable).

  • La République représente la catégorie juridique des « citoyens » et, bien que ceux-ci soient venus de toute la terre, elle prétend ne pas « distinguer » selon l’origine, la race et la religion (article 1er de la Constitution). Parce qu’elle ignore les appartenances identitaires, la République ignore la francité (sauf à la réduire abusivement à la citoyenneté) et ne peut donc s’en réclamer.

L’identification de la République à la France, aujourd’hui effective dans les esprits, n’allait pas de soi. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, les Français dissociaient clairement le régime politique de la nation et n’assimilaient pas spontanément l’un à l’autre. Les élections de 1871 envoient deux tiers de monarchistes à l’Assemblée. Aux élections législatives d’octobre 1877 le camp républicain fait 60% des voies seulement alors que la situation leur est très favorable. L’Affaire Dreyfus (1894) montre qu’une majorité de Français n’est pas encore complètement acquise aux thèses républicaines.

L’opération d’identification de la République à la France était pour les républicains stratégiquement indispensable. Elle dénote un sens politique machiavélique dont étaient dénués leurs adversaires. La République allait ainsi entreprendre méthodiquement un long travail d’endoctrinement et de conditionnement pavlovien du peuple français à travers l’école, l’armée, une symbolique omniprésente…

Pourquoi, d’un point de vue républicain, l’identification de la République à la France était-elle si importante ? Pour au moins trois raisons :

  • Tout d’abord parce que, nous l’avons vu, le peuple français n’était pas clairement acquis à la République. Il fallait que cela change.

  • Ensuite parce qu’il fallait rendre intouchable la République, la sanctuariser. Depuis 1884, il était constitutionnellement interdit de remettre en cause la forme républicaine de gouvernement, mais cela ne suffisait pas : il fallait une adhésion intime de chacun. Seule une assimilation totale de la République à la France pouvait rendre la République intangible : toute atteinte à la République et à ses symboles (le drapeau tricolore par exemple, objet de discorde dans les années 1870) serait vécue par les Français comme une atteinte intolérable à la France et au peuple français.

  • Parce qu’il fallait détourner au profit de la République le sentiment patriotique des Français. Les intérêts idéologiques, coloniaux, politiques, économiques… de la nomenklatura républicaine pourrait alors être aisément présentés comme étant ceux de la France. La République pourrait utiliser cyniquement le sentiment national pour répandre ses idéaux mondialistes par la violence, les oligarques républicains pourraient faire de juteuses affaires dans les colonies avec du sang français généreusement versé « au nom de la France».

Antonin Campana

Partie 2 :

L’identification de la République à la France relève donc d’une volonté consciente, d’une stratégique machiavélique datée, qui a abouti dans les années 1880-1890. En voici les grandes étapes :

– 1792 : la République s’affirme « française » (déclaration du 25 septembre 1792)

– 1848 : le drapeau tricolore associé à la République devient définitivement le drapeau « français » (décret du 05 mars 1848)

– 1877 : Marianne, emblème de la République, figure désormais la France.

– 1879 : l’hymne des armées de la République (la Marseillaise) devient « chant national français » (séance de l’Assemblée du 14 février 1879)

– 1880 : la devise républicaine (liberté, égalité, fraternité), affichée sur tous les édifices publics, devient la devise de la France (14 juillet 1880)

– 1880 : le 14 juillet est adopté comme jour de fête nationale française

– 1895 : les conquêtes de la République en Afrique de l’ouest (au profit des affairistes républicains) sont dites « françaises » (L’Afrique-Occidentale « française »)

– 1910 : les conquêtes de la République en Afrique centrale (au profit des affairistes républicains) sont dites « françaises » (L’Afrique-Equatoriale « française »).

– 1914 : « Armée française » et « Armée de la République » sont d’usage courant et interchangeable – Etc.

Parvenir à faire croire, comme ce fut le cas, qu’un régime politique se confond avec une nation au point même que le nom du régime politique puisse se substituer à celui de la nation (la République / la France), relève du grand art machiavélique le plus abouti et rend ledit régime quasi indéboulonnable. Toute critique ou remise en cause de la République, de ses symboles, de ses principes, de sa devise, sera automatiquement perçu comme une remise en cause de la France. Il faudra un long travail pédagogique de déconditionnement pour faire comprendre qu’un régime politique et une nation sont des réalités différentes, que parler de la République ou parler de la France ne revient pas à parler de la même chose. La France existait des siècles avant la République et existera encore lorsque ce régime absurde aura disparu : l’identification de l’une à l’autre est une escroquerie intellectuelle d’autant plus insupportable que ce régime politique suppose la destruction de la France pour accéder à l’universalité fantasmée.

N’allons pas croire que ce processus d’identification se fit naturellement et sans violences. Au contraire, pour parvenir à ses fins la République s’est conduite comme un système totalitaire, ne reculant devant aucune forfaiture. L’idée que « la France est une République » (Constitution) a sans doute justifié la révision constitutionnelle de 1884 interdisant la remise en cause de la République ainsi que la loi de 1886 exilant tous les membres des familles royales et impériales ayant régné sur la France (loi abrogée intégralement en… 2011 !). Cette « loi d’exil » sera le prétexte d’une première épuration de l’armée française (destinée à devenir dans son intégralité une « armée de la République»). La loi de 1884 aura la même fonction au sein du Parlement, si bien que l’Assemblée dite « nationale » ne sera bientôt peuplée que de républicains bon teint. C’est donc grâce à la violence politique que la République a pu à bon droit affirmer que les élus républicains, donc la République, représentaient la nation. Par la « représentation nationale » trafiquée, la République, une nouvelle fois, pouvait s’assimiler à la France.

Antonin Campana

Article d’Antonin Campana intitulé « Anacharsis Cloots (1755-1794), prophète de la République universelle » qui montre bien que la destruction de la France est l’aboutissement – et non une prétendue trahison – du projet républicain :

[La France républicanisée qui se montre à nos yeux aujourd’hui, cette « France de métissages » ouverte à l’afflux de « nouveaux citoyens », cette France mondialisée et sans patrie ayant aboli ses frontières, renié son identité et abandonné son nom, cette France déchue et humiliée a été, il y a plus de deux siècles, décrite par Anacharsis Cloots comme l’aboutissement sublime du projet républicain.]

Anacharsis Cloots ne fait pas partie des figures retenues par l’hagiographie républicaine. C’est d’autant plus injuste que les idées de ce révolutionnaire décapité en 1794 imprègnent les esprits de nombreux républicains depuis la Révolution. Député de l’Oise, membre puis secrétaire du Club des Jacobins, les délires mondialistes de Cloots, le mot n’est pas anachronique ici, annoncent le dire et le faire de la République « française » pour les deux siècles à venir, et même son accomplissement final par la dissolution de la francité dans l’universel et le cosmopolite de notre temps.

Cloots pousse la logique républicaine jusqu’au bout. Trop pressé au goût d’un Robespierre contraint de composer avec des réalités implacables, il refuse de transiger sur les principes. Il veut que la République universelle en ses fondements et ses principes se réalise immédiatement par la destruction systématique des nations et des peuples. Trop « pur », Cloots ne peut attendre et dévoile une doctrine qui doit être tue pour que les Français, au nom de la Patrie et de la Nation, soient les bons outils sacrificiels dont l’entreprise républicaine se servira durant deux siècles. Cloots le paiera de sa vie et de la place qui lui revenait dans le roman républicain. Il annonce pourtant Coudenhove-Kalergi, Attali, Soros et notre société multiraciale. Il partage avec nos élites d’aujourd’hui la même haine des nations, des identités, des frontières et la même certitude en l’avènement prochain d’une société planétaire. Cloots, dont l’influence a été déterminante, est un personnage étonnement « moderne ».

Cloots, un « cosmopolite »

Tout d’abord Cloots est un « cosmopolite ». Il revendique le mot et en fait une profession de foi. Il annonce que lorsque tous les hommes seront « cosmopolites », la République sera « universelle » (« Le baiser fraternel des cosmopolites sera le sceau de la république universelle[1] »). D’ailleurs, le mot « français » dérange le député. Il proclame qu’il ne faut être ni Français, ni Anglais, ni Européen, ni Américain mais « homme » tout simplement, citoyen de la même cité avec les autres hommes[2]. Ce « citoyen de la république des hommes » n’a qu’une patrie : « le monde » ! Aussi demande-t-il la suppression du nom « Français » : « je demande la suppression du nom Français […] Tous les hommes voudront appartenir à la république universelle ; mais tous les peuples ne voudront pas être français[3]». La République ne doit donc plus se proclamer « française », c’est une dénomination qui est « fausse et préjudiciable[4] » dit Cloots.

On ne peut dénier à Cloots une certaine logique. Effectivement la République, fondée sur des principes qui se veulent universels, n’est pas plus « française » que zoulou ou berbère. Effectivement encore, la mise en avant de la francité, c’est-à-dire de l’identité spécifique, n’est pas le meilleur moyen pour intégrer dans l’universel… à moins évidemment de faire de la francité une simple catégorie juridico-administrative non signifiante. C’est l’option, plus douce, choisie par le camp républicain depuis Cloots. De fait aujourd’hui, le mot « français » a quasiment été supprimé dans la mesure où il n’a plus aucun sens identitaire, donc plus aucun sens du tout. Tout le monde pouvant se dire « français » plus personne ne l’est vraiment, d’autant que le personnel politico-médiatique s’accorde pour dire que les Français de souche, « ça n’existe pas » (Hollande) et que la France n’est qu’un « conglomérat de peuples » aléatoire et changeant (Eric Besson).

Un cosmopolite hargneux

Comme tous les philanthropes et autres néocons qui organisent aujourd’hui des coups d’Etat, des révolutions de couleur et des guerres libératrices, Cloots déborde d’amour pour son prochain. Il veut lui assurer un « bonheur durable », le libérer et lui apporter une existence paisible. Comment ? Par la guerre bien sûr ! Au procès du Roi, « premier Tribunal de l’univers » dit-il (sic), il propose d’envoyer Louis XVI à l’échafaud « au nom du genre humain » (il faut « prendre la hache du bon sens pour couper la fibre royale »[5] ). Il en va de « l’indivisibilité du monde ». Car le monde doit être « régénéré ». Aussi Cloots demande-t-il la guerre au nom du genre humain. Il faut propager la « doctrine » républicaine : « l’âge d’or est au bout de nos baïonnettes, le sort de l’univers »[6]. Il faut submerger le monde sous un « torrent démocratique », il faut propager les « droits de l’homme » jusque dans la capitale du Dalaï Lama, il faut imposer un « système de liberté universelle » et une « régénération universelle »[7]. Car la Déclaration des droits n’est pas que pour la France seule, écrit Cloots. Non plus que la République, la démocratie, la « loi commune » ou même l’organisation en départements ! Cloots compte sur « nos armées libératrices » (en fait sur le sang des Français dont il dit vouloir effacer le nom) pour apporter les valeurs de la République jusqu’en Asie, en Mauritanie, au Japon, au Kamtchatka ou au Spitzberg ! Cloots se pose comme le précurseur des théoriciens du devoir d’ingérence (« marchons aux tyrans» pour libérer les peuples et imposer la démocratie) et de la violence légitime (tuer les hommes au nom des droits de l’Homme).

La destruction des nations

Les nations et les peuples qu’elles incarnent sont pour Cloots la base de l’anarchie, du despotisme, de la « dévastation » et de la guerre : « il n’y a pas de fléau plus désastreux que les corporations nationales »[8]. Ici encore, le discours de Cloots apparaît étonnement moderne dans sa manière très « européiste » de relier le fait national à la barbarie et à la guerre. Le « morcellement politique » de la planète doit donc disparaître. Il faut substituer au cri de vive la nation , le «cri plus beau, plus généreux, plus éclatant de vive le genre humain ! »[9] . La République doit abattre les frontières, imposer une « constitution universelle » et un « système planétaire », de manière qu’il n’y ait plus au monde qu’une seule « Nation », une « confédération des individus sur l’autel de la loi » (c’est nous qui soulignons) gouvernée par un « sénat du genre humain ». Pour pouvoir abolir les nations et les ramener à une somme d’individus, il faut auparavant les « niveler », un mot qui revient souvent sous la plume de Cloots (ainsi veut-il « niveler » l’Espagne, l’Angleterre, le Mexique, le Pérou, le Sénégal, la Gambie…). La « nation nivelée » est une nation « départementalisée » – c’est-à-dire réduite à un statut administratif – qui a renié ses erreurs, notamment en matière de religion, et reconnu les droits de l’homme, la démocratie et la « République universelle ». La nation ainsi détruite peut alors s’emboîter dans un « monde organisé départementalement » (« le damier départemental va niveler la terre »[10]).

La destruction des frontières n’a que des avantages pour Cloots. C’en sera fini de la guerre : « les hostilités seront bannies du monde […] lorsque les nations n’auront plus de frontières. […] le principe de l’unité souveraine du peuple humain rendra le monde heureux et paisible »[11]. Et puis, plus de problème de change monétaire, de concordance dans les poids et mesures, de lois. Le commerce régulé par le pouvoir des « juges de paix » deviendra permanent et la valeur des marchandises ne sera plus troublée par la diversité des règles et des monnaies. Cloots nous propose le meilleur des mondes : « Tous les individus se précipiteront dans le sein de la république des individus unis, dans les bras du genre humain »[12] (c’est nous qui soulignons).

Un cosmopolitisme qui suppose le mélange des peuples et l’immigration de peuplement

«Tous les individus se précipiteront… » . Pour Cloots, cela ne fait aucun doute : « les peuples sauront franchir les barrières pour s’embrasser fraternellement »[13]. Anticipant les grandes invasions de notre siècle, il prédit qu’une « force incalculable attirera journellement de nouveaux citoyens »[14]. Il est persuadé que la République « mettra tout le monde d’accord », bien qu’il lui faille pour cela impérativement bannir son qualificatif de « française ». D’ailleurs, Cloots ne connaît pas un homme, quel que soit le climat, qui réfuterait un seul article de la déclaration des droits, base de la loi commune[15]. Tous les hommes sont frères et il prévient : « ceux qui veulent exclure de notre association fraternelle […] les individus qui habitent hors de l’Europe, commettent une injustice… ». Aussi Cloots propose-t-il un « nivellement absolu » et un « renversement total de toutes les barrières » qui séparent la « famille humaine »[16]. Le mélange des hommes dissociés de leurs peuples (« je ne veux ni despote, ni peuples »[17]) donne des accents lyriques au cosmopolite Cloots : Italiens, Danois, Espagnols, « tous le monde s’empressera de se confondre dans la grande société, pour en partager les bénéfices, pour en goûter les délices […] le bonheur sera sans borne »[18] . Dans le sillage de Clermont-Tonnerre, Cloots demande un décret qui interdise toute agrégation collective de peuple à peuple. L’agrégation à la République universelle (l’intégration dirait-on aujourd’hui) doit être « individuelle »[19] . Les rivalités d’autrefois disparaîtront tout naturellement avec la disparition des « anciens noms » et des « anciennes démarcations ».

Une incarnation de la République

Cloots est un théoricien fondamental du républicanisme. Il s’attache au cœur nucléaire de la doctrine, à son espérance profonde, à cet ADN seul à même d’expliquer

la biologie républicaine et le visage monstrueux et déformé de malformations congénitales que montre la République. Cloots « révèle » que le colonialisme et la guerre (« l’envahissement universel ») ; la société ouverte et multiraciale (la « république des hommes ») ; le mondialisme (« l’Etat des individus-Unis ») ; le cosmopolitisme ; le rejet des identités et des appartenances (la « régénération sainte ») ; la conception utilitariste du peuple français, simple outil au service d’une idéologie universaliste ; la « haine civique » des patries et des nations ; le « nivellement » des hommes et des peuples ; le devoir d’ingérence (« au nom du genre humain ») ; la destruction des frontières ; la volonté de construire un espace sans barrière tel un jour l’Union européenne ; l’agrégation des hommes de toutes origines à la république universelle… sont inscrits dans les gènes de la République « française » et ne sont absolument pas « accidentels ». La France républicanisée qui se montre à nos yeux aujourd’hui, cette « France de métissages » ouverte à l’afflux de « nouveau citoyens », cette France mondialisée et sans patrie ayant aboli ses frontières, renié son identité, abandonné son nom, cette France qui cherche à intégrer et à niveler sa population, cette France portant la guerre dans la monde au nom des droits de l’homme et de la démocratie, cette France qui se dilue dans l’Union européenne et la soumission à une gouvernance globale… a été décrite par Cloots comme l’aboutissement sublime du projet républicain.

Cloots est un républicain pressé, il veut tout, tout de suite. C’est un révolutionnaire en décalage avec une République qui adoptera une stratégie réformiste. De 1789 à aujourd’hui, par étape successives et de déstructurations en déconstructions, les idéaux républicains, véritable entreprise d’ingénierie sociale, vont progressivement effacer le nom « français » et tous les noms comme le voulait Cloots. «L’orateur du genre humain », comme il aimait à s’appeler, incarne ainsi à la fois le cosmopolitisme, le mondialisme et la République « française ». Il est l’un des fondateurs du régime politique qui opprime aujourd’hui notre peuple.

Antonin Campana


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